lundi 20 novembre 2017

AVEZ-VOUS LU BLAL ?

L'illustration de la couverture est un pastel de Miles Hyman, Salomé.

Myriam Blal est une trentenaire, Française d'origine tunisienne, musulmane, journaliste et jeune maman. Elle épouse en 2014 Maxime, un Nantais chrétien, mais leur union, pour qu'elle soit scellée, a dû parcourir un véritable chemin de croix. 

C'est pour partager cette expérience et aider ceux qui s'y préparent que la jeune femme a délivré en octobre dernier Le Baiser du Ramadan, 159 pages de témoignage personnel, mais également enquête-guide sur les aléas que vivent encore en 2017 les couples mixtes en France.

Si l'on entend souvent dire que l'amour rend aveugle ou bête, Myriam pense exactement le contraire : « D'une certaine manière, aimer rend intelligent », sert-elle en conclusion de son texte juste avant l'épilogue consacré à son fils, à qui elle dédie aussi ce livre : fruit de son amour. 

Et d'amour, qu'il soit parental, marital, filial ou divin, il en est question tout au long de l'ouvrage où Myriam se raconte, avec la tentation qu'a toute primo-parturiente de se résumer, se qualifier pour enfin se présenter à sa descendance dans toute sa vérité.

Qui suis-je ? D'où viens-je ? Où vais-je ?

Dans une première partie très touchante, l'auteure évoque son enfance, sa famille, sa double identité, ses errances, passant outre ses traumas (divorce des parents, déception du père qu'elle n'ait pas été un garçon, préadolescence scindée entre deux pays...), et les tabous liés à sa condition de fille d'immigrés musulmans dans une France elle aussi traumatisée se questionnant sur son rapport à l'islam.

Myriam se questionne tout autant sur son rapport à l'islam, conditionné en quelque sorte, mais s'octroie la liberté de déconstruire les fondamentaux (et non pas de les détruire, comme elle le précise).

Elle a l'audace d'avouer que, petite, elle a déjà goûté porc et alcool, et parfois menti, ou encore qu'elle ne fait pas nécessairement la prière ni le jeûne du ramadan...

Défier n'est pas renier

S'il est nécessaire, pour grandir, de « tuer le père », elle « tue la mère ». Ado, elle l'insultait secrètement, exultant pour exister, et l'écrit aujourd'hui noir sur blanc, courageuse. C'est que devenue mère à son tour, Myriam se voit adulte et assume de ne plus avoir à demander à ses parents qu'ils valident sa vie pour être heureuse. Son père n'est d'ailleurs pas venu à son mariage, n'ayant pas digéré que Maxime ne se soit pas converti.

En fait, dire les difficultés liées au mariage entre deux personnes de confessions différentes est prétexte à dénoncer la dimension sectaire des religions, à exprimer la souffrance qu'elle peut engendrer et surtout à vulgariser l'islam à l'attention de ceux qui n'y connaissent rien. En cela, ce livre est crucial.

Étayant ses arguments sur les dires d'un historien et d'un sociologue, ainsi que sur les témoignages d'autres couples mixtes et sur des sources pertinentes, tantôt dogmatiques comme le Coran, tantôt populaires comme les forums sur Internet, la seconde partie, plus didactique, repose sur un travail de recherche très fouillée et fort utile aux concernés.

Mais outre l'aspect outil du livre, le style de Myriam, incarnant ses valeurs, est fort de sa simplicité, drôle (« du Ricothé à la menthe »), sensible (le chapitre sur les vacances au bled, accumulation de phrases nominales tout en pudeur pour alléger la charge émotionnelle, est puissant), et surtout honnête (« hallal, comme la viande »). En explicitant tout en dédramatisant son sujet, elle désamorce les critiques et redonne son sens au bien malmené « vivre-ensemble ». Merci pour ça.


Le Baiser du Ramadan, Myriam Blal, 2017, Bayard éditions, 159 pages, 16,90€.


En écho...

« Et l'on peut ausculter
La cloison de mon cœur et son vieux papier peint
Rien ne répond à rien
Et je puis bien partir
Pour l'éternité avec un vieux sac de cuir
Comme en trimballent les bons curés et les saints
Les soirs de gel lorsqu'ils changent de patelin
Rien ne subsistera de moi dans votre Histoire
Pas même un invendu dans un kiosque de gare
Mais mon amour et moi nous avons notre histoire. »

René Guy Cadou (1920-1951), poète instituteur du pays nantais

mardi 7 novembre 2017

LE MUSÉE DU TEXTILE DE CHOLET DONNE MATIÈRE A RÉFLÉCHIR

Création textile "coeur au repos" Annette Messager
J'ai visité le Musée du textile & de la mode de Cholet. Une heure de TER, quinze minutes de bus et me voilà devant l'ancienne blanchisserie en brique et pierre, érigée en 1881, qui cessa son activité en 1941. Le guide, Jean-Luc Raynard, nous en apprend de belles sur cet endroit ouvert au public en 1995 (et qui, depuis 2015, consacre une partie de ses expos à la mode), dont... et c'est fou, mais le saviez-vous ?!
  • Les marques historiques dont la production est made in Cholet sont, entre autres, Newman, IKKS, Jean Bourget, Catimini et le Mouchoir de Cholet, marque déposée.
  • Les mouchoirs à carreaux rouge, rose et blanc sont encore fabriqués sur place et font partie d'un savoir-faire patrimonial local, le port de la pochette et l'utilisation du mouchoir textile étant pourtant devenus des habitudes aussi désuètes que la chanson dédiée : https://www.youtube.com/watch?v=aIos2_226u0
  • Les conditions de travail et de vie des 30.000 tisserands choletais qui officiaient encore au siècle dernier, font froid dans le dos: les chefs de famille aménageaient un métier à tisser dans la cave de leur maison, non chauffée, et passaient douze heures par jour à pédaler pour tisser et à peigner les fils produisant deux petits mètres de tissus, dans un environnement saturé d'humidité (pour que la toile soit plus souple) et de poussière de fibres, leur assurant tout juste pitance : ils avaient un jardin potager pour pallier les défaillances de production et envoyaient leurs enfants surveiller le séchage des linges étendus dans les champs la nuit ! Quelque 15.000 ouvriers avaient eux la chance de travailler en manufacture, 72 heures hebdomadaires, au blanchiment en cuves à respirer des effluves de chlore bouillant à longueur de journées. Une conférence consacrée au sujet est prévue le 18 novembre : museedutextiledecholet@gmail.com pour réserver une place, c'est gratuit.


  • La révolution industrielle à la fin du XIXème siècle commença essentiellement par le textile en Angleterre. C'est en hommage à cette référence que le bâtiment où se situent l'accueil et la boutique est une sorte de serre nommée le Crystal Palace, du nom d'un célèbre lieu londonien. Le Royaume-Uni, exploitant alors le coton indien, se l'importait pour le transformer et le revendre aux Indiens ! D'où la présence d'un rouet sur le drapeau d'Inde, symbole de l'émancipation populaire non violente et décroissante menée par Gandhi.


  • C'est Joseph-Marie Jacquard, du nom du fameux motif en losange ornant les pulls, qui aurait inventé l'ancêtre de l'ordinateur vers 1850 en automatisant la danse des navettes (bobines de fil des machines à tisser).
  • PulpSoft est un logiciel de visualisation de motifs, permettant de modifier virtuellement les imprimés et coloris d'un vêtement, à tester librement sur place, et dont l'effet est assez bluffant.

La scénographie fait la part belle à la technique, grâce à la présence de machines d'époque actionnées par un personnel expert et d'annotations autour des objets par lesquelles on apprend beaucoup, que ce soit en matière de vocabulaire vestimentaire (carder, ensouple, braie, laize...), de sociologie, de chimie ou d'histoire. 



La force esthétique de l'exposition réside dans l'architecture, l'aménagement des espaces et le jardin de plantes tinctoriales, laissant le visiteur friand de mode sur sa faim : la boutique, par exemple, n'est pas achalandée à la hauteur de la prétention des lieux, et l'on eut aimé admirer davantage de modèles de couture.

Pour vous faire votre propre idée, allez-y, c'est gratuit le samedi pour le grand public et tous les jours ouverts pour les scolaires, étudiants et profs !


vendredi 3 novembre 2017

COMME UN AIR DE CASABLANCA A MALAKOFF

Immeuble Liberté ou le "17ème étage" à Casablanca signé Morandi, 1951.

Le "nouveau" Malakoff à Nantes: wak wak!

DES TALENTS D'ICI CREUSENT UN SILLON POUR LA BONNE CAUSE...

  Comme pour la 1ère édition de PARAGES x P(ART)AGES, le Secours populaire a souhaité valoriser l’accès à la culture sous de multiples form...