Pour ceux qui ne le savaient pas, Nantes a son musée d'histoire. Il se trouve au château des Ducs de Bretagne. Jusqu'en juin 2022, une exposition sous titrée "Nantes dans la traite atlantique et l'esclavage colonial (1707-1830)" s'y tient.
L'abîme, c'est son titre, fait référence à la notion de "gouffre atlantique", exprimée par le philosophe et poète martiniquais Édouard Glissant. Voilà pour la contribution noire au contenu.
Il faut avoir le cœur bien accroché pour ressortir des lieux sans une mine de smiley nauséeux. Je n'y emmènerai pas mon fils, à la fois afro-descendant et néo-Nantais, trop jeune pour aborder le doss'.
Le traitement ludique (tableaux animés et commentés, cartes dynamiques), s'il sert à dédramatiser le propos tout en apportant chiffres et faits avec brio, se révèle moins pédagogue et poétique que les natures mortes (exemplaire du code noir, malle de boucaniers) auxquelles il faut consacrer un temps de lecture et de réflexion conséquent. Méfions-nous des vérités assénées par les écrans qui ne laissent que peu de place au penser (/panser).
Des visites guidées sont organisées le dimanche après-midi.
L'Homme est bel et bien un loup pour l'Homme, se dit-on, happé par la scénographie immersive signée Marc Vallet. Et les sauvages dans l'histoire ne sont pas ceux qu'on voudrait nous faire croire.
En passant par la salle où la Marie Séraphique, navire rempli de captifs africains avance, son image projetée au sol, au gré d'une bande-son certes réaliste mais malaisante, la tentative de décoloniser la pensée est morte-née: la figure du Noir victimaire (contre-balancée plus loin par une évocation de Toussaint Louverture) et cette mise en scène macabre laissent un arrière-goût amer.
Krystel Gualdé, directrice du musée et commissaire de l'expo, explique que le terme "colonial" désigne ici autant la période historique qu'il remplace (sans l'annuler) le terme "négrier".
On n'en est plus à l'heure de présenter l'horreur, on ne la sait que trop et l'on souhaiterait aujourd'hui que soit explicité sans pathos ni air supérieur le système économique et politique international qu'était l'esclavage.
En cela, les objets, dont on dit sous nos cieux qu'ils n'ont pas d'âme, font bien le job: visez un peu...
Une tabatière riant jaune |
Les cauris sont les scories d'un marché de dupes: ces coquillages servaient de monnaie d'échange dans les comptoirs coloniaux. |
Bol et cruche en faïence de Creil (circa 1800) arborant le slogan de la société britannique des amis des Noirs: "Ne suis-je pas homme et votre frère?". |
Une riche bibliographie, à laquelle on aurait ajouté "La Pensée Blanche" de Lilian Thuram, attend les visiteurs. |
1741-2021: 280 ans (environ 11 générations) séparent ces dates, la première étant marquée par le décès de 1466 hommes, femmes et enfants à bord de 27 navires esclavagistes nantais, pour cette seule année!
https://www.chateaunantes.fr/expositions/labime/
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