On a lu pour vous Blanche de Catherine Blondeau, qui "traite" de la (non) couleur de peaux.
Catherine Blondeau est nouvellement auteure, signant son deuxième ouvrage. Nantaise d'adoption, la directrice du Grand T aborde un sujet brûlant d'actu'.
En 2004, Jean-Louis Sagot Duvauroux publiait « On ne naît pas Noir, on le devient ». Catherine Blondeau, ex-professeure de lettres originaire de Rouen, ayant dirigé un institut français en Afrique du Sud, est devenue blanche dans le regard de l'Autre, au contact des populations de la « nation arc-en-ciel ». Pour savoir ce que signifie être blanche aujourd'hui, elle opère (et se perd) dans une opposition binaire : pour elle, être blanche équivaut clairement à ne pas être noire.
Dans son récit de vie, elle récite, bonne élève, les noms des figures de la culture noire mondiale contemporaine. Les épisodes marquants de sa vie s'enchaînent en courts chapitres, agréables à lire, impeccablement rédigés : enfance, éducation, carrière, déménagement, cambriolage, mariage, divorce y sont évoqués dans une chronologie plus ou moins respectée, prétexte à glisser ici du Glissant, à invoquer Fanon là... Elle s'essaie même à un pastiche de Césaire assez réussi quoique périlleux. Catherine Blondeau aurait les félicitations du jury : elle a lu tous les livres, vu tous les films, écouté tous les disques et bien appris sa leçon. Si son discours sonne juste, sa vision est biaisée.
« Quand je croisais des gens à la peau plus foncée, je les remarquais. Leur différence m'intriguait. Leur histoire m'intéressait. Rien de tout cela ne faisait de moi une Blanche. Les personnes de couleur, c'étaient les autres. Moi, je n'étais d'aucune couleur particulière. Je n'avais rien de spécial. »
Pour ceux que ça intéresse (et comment ne pas s'y intéresser à l'heure de BLM, des restitutions, de la cancel culture ?), ils apprendront beaucoup auprès de cette enseignante dans l'âme. Pour les autres, ça ressemble à une tentative de les convaincre, et quand le racisme, bien que délictueux, s'exprime à la fois dans les urnes et en ligne, l'essai est à saluer. Malgré sa bonne volonté, la conscientisation raciale de cette Française née dans les années 1970 vire à l'obsession. Signe des temps, la radicalité, même bien pensée, peut faire tourner au vinaigre les meilleures intentions.
L'intérêt de son texte réside plus dans la bibliographie (qu'on eût aimé voir compilée en fin d'ouvrage) que dans sa narration, même si elle s'avère nécessaire. On lui concédera un vrai style, et c'est là l'essentiel : une écrivaine pas vaine est née.
Mémoire d'encrier, sa maison d'édition canadienne, est spécialisée dans la mise en avant des voix authentiques du monde. Mission accomplie ici. Avec humour en sus : l'image de couverture, un caméléon peint, s'intitule « quand on a de trop belles couleurs, on est souvent les plus dangereux. »
Avec ce récit inspiré et inspirant, Catherine Blondeau a terrassé avec brio le syndrome de la page blanche sur un sujet archi touchy. Le courage et le cœur qu'elle y a mis font plaisir à lire.
Extrait : « Et dire qu'on aura passé des décennies à enseigner à des petits Congolais et des petites Sénégalaises que leurs ancêtres étaient Gaulois, alors qu'il aurait fallu apprendre aux petits Français que leurs ancêtres gaulois étaient les descendants d'êtres humains partis à pied des alentours du Grand Rift, à l'est de l’Afrique, il y a plusieurs centaines de milliers d'années. »
Blanche de Catherine Blondeau, éditions mémoires d'encrier, 2021, 248 pages, 19 euros.
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