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L'illustration de la couverture est un pastel de Miles Hyman, Salomé. |
Myriam Blal est une trentenaire,
Française d'origine tunisienne, musulmane, journaliste et jeune
maman. Elle épouse en 2014 Maxime, un Nantais chrétien, mais leur
union, pour qu'elle soit scellée, a dû parcourir un véritable
chemin de croix.
C'est pour partager cette expérience et aider ceux
qui s'y préparent que la jeune femme a délivré en octobre dernier
Le Baiser du Ramadan, 159 pages de témoignage personnel, mais
également enquête-guide sur les aléas que vivent encore en 2017
les couples mixtes en France.
Si l'on entend souvent dire que l'amour
rend aveugle ou bête, Myriam pense exactement le contraire :
« D'une certaine manière, aimer rend intelligent »,
sert-elle en conclusion de son texte juste avant l'épilogue consacré
à son fils, à qui elle dédie aussi ce livre : fruit de son
amour.
Et d'amour, qu'il soit parental, marital, filial ou divin, il
en est question tout au long de l'ouvrage où Myriam se raconte, avec
la tentation qu'a toute primo-parturiente de se résumer, se
qualifier pour enfin se présenter à sa descendance dans toute sa
vérité.
Qui suis-je ? D'où viens-je ?
Où vais-je ?
Dans une première partie très
touchante, l'auteure évoque son enfance, sa famille, sa double
identité, ses errances, passant outre ses traumas (divorce des
parents, déception du père qu'elle n'ait pas été un garçon,
préadolescence scindée entre deux pays...), et les tabous liés à
sa condition de fille d'immigrés musulmans dans une France elle
aussi traumatisée se questionnant sur son rapport à l'islam.
Myriam se questionne tout autant sur
son rapport à l'islam, conditionné en quelque sorte, mais s'octroie
la liberté de déconstruire les fondamentaux (et non pas de les
détruire, comme elle le précise).
Elle a l'audace d'avouer que, petite,
elle a déjà goûté porc et alcool, et parfois menti, ou encore
qu'elle ne fait pas nécessairement la prière ni le jeûne du
ramadan...
Défier n'est pas renier
S'il est nécessaire, pour grandir, de
« tuer le père », elle « tue la mère ».
Ado, elle l'insultait secrètement, exultant pour exister, et l'écrit
aujourd'hui noir sur blanc, courageuse. C'est que devenue mère à
son tour, Myriam se voit adulte et assume de ne plus avoir à
demander à ses parents qu'ils valident sa vie pour être heureuse.
Son père n'est d'ailleurs pas venu à son mariage, n'ayant pas
digéré que Maxime ne se soit pas converti.
En fait, dire les difficultés liées
au mariage entre deux personnes de confessions différentes est
prétexte à dénoncer la dimension sectaire des religions, à
exprimer la souffrance qu'elle peut engendrer et surtout à
vulgariser l'islam à l'attention de ceux qui n'y connaissent rien.
En cela, ce livre est crucial.
Étayant ses arguments sur les dires
d'un historien et d'un sociologue, ainsi que sur les témoignages
d'autres couples mixtes et sur des sources pertinentes, tantôt
dogmatiques comme le Coran, tantôt populaires comme les forums sur
Internet, la seconde partie, plus didactique, repose sur un travail
de recherche très fouillée et fort utile aux concernés.
Mais outre l'aspect outil du livre, le
style de Myriam, incarnant ses valeurs, est fort de sa simplicité,
drôle (« du Ricothé à la menthe »), sensible (le
chapitre sur les vacances au bled, accumulation de phrases nominales
tout en pudeur pour alléger la charge émotionnelle, est puissant),
et surtout honnête (« hallal, comme la viande »). En
explicitant tout en dédramatisant son sujet, elle désamorce les
critiques et redonne son sens au bien malmené « vivre-ensemble ».
Merci pour ça.
Le Baiser du Ramadan, Myriam
Blal, 2017, Bayard éditions, 159 pages, 16,90€.
En écho...
« Et l'on peut ausculter
La cloison de mon cœur et son vieux
papier peint
Rien ne répond à rien
Et je puis bien partir
Pour l'éternité avec un vieux sac de
cuir
Comme en trimballent les bons curés et
les saints
Les soirs de gel lorsqu'ils changent de
patelin
Rien ne subsistera de moi dans votre
Histoire
Pas même un invendu dans un kiosque de
gare
Mais mon amour et moi nous avons notre
histoire. »
René Guy Cadou (1920-1951), poète
instituteur du pays nantais